Témoignage de Yann Chassate, président de l'Atelier Vert, association d'éducation à l'environnement basée à Rosières-aux-Salines. Elle est partenaire de la Cité des paysages, un site du Conseil départemental.
Parlez-nous de L'Atelier Vert, son origine, ses missions, ses projets...
L'Atelier Vert est une association d’éducation à l'environnement créée en 2009. Nous sensibilisons tous les publics, de la petite enfance à la maison de retraite, en passant par les formations professionnelles, les entreprises sur les questions de biodiversité locale et de lien au vivant. L'association compte plus de 200 adhérents et 5 salariés (4 éducateurs et un illustrateur / communicant). Attachés à nos valeurs de développement local et d'impact carbone, l'essentiel des projets se fait en local, principalement dans le Lunévillois, le Saintois ou la vallée de la Meurthe. Nos actions sont principalement des sorties nature (plus de 10 000 scolaires à l'année, beaucoup de sorties grand public sur les territoires, impulsées par les Communautés de Communes avec qui nous travaillons), des stands sur des manifestations, de la formation (naturaliste ou pour les futurs animateurs nature), mais nous avons aussi des actions de suivi et de protection d'espèces en danger ou patrimoniales (Faucon pèlerin sur la Basilique de Saint Nicolas de Port, Crapaud calamite...).
Si les animations occupent donc l'essentiel des beaux jours pour l'équipe, à l'automne c'est plutôt les chantiers concrets de protection qui nous animent : nous replantons des haies, creusons des mares... tout ce qui peut donner un coup de pouce aux espèces locales ! Nous avons également un illustrateur naturaliste et un atelier bois, ces compétences croisées nous permettent également de répondre aux sollicitations concernant les sentiers nature, les panneaux pédagogiques, dépliants et tout autre type de support de découverte de la nature, et même de l'édition d'ouvrages spécialisés. Enfin, nous organisons tous les deux ans un festival d'éducation à l'environnement, le "Festival Sauvage", qui, après plusieurs années d'itinérance a désormais trouvé un format fixe sur Rosières-aux-Salines près de nos locaux. D'une manière générale, nous essayons de répondre à toutes les sollicitations locales qui ont trait à la découverte et la protection de la biodiversité.
Quel est votre rapport à la Cité des Paysages ? Quels sont ses atouts ?
Nous travaillons avec la Cité depuis son ouverture, c'est un superbe outil de mise en valeur de la diversité des paysages lorrains. J'apprécie tout particulièrement les regards croisés que la Cité permet : culture, biodiversité, spectacle vivant, philosophie s'y croisent et permettent aux visiteurs de comprendre toutes les facettes de notre riche territoire. Le site offre un cadre magnifique pour les animations : la vue panoramique permet de comprendre les liens entre notre histoire et les écosystèmes, le jardin verger offre un espace sécurisé pour les groupes. Le fait que les classes puissent venir sur plusieurs jours avec nuitées nous permettent aussi d'y proposer en soirée des animations nocturnes sur les chauves-souris, chouettes et hiboux... et quand le temps le permet de profiter de la voûte céleste et aborder les questions liées à la pollution nocturne.
L'équipe sur place est très dynamique et j'apprécie le fait de pouvoir proposer des choses nouvelles, innovantes : depuis quelques années, nous proposons par exemple des bivouacs sur la colline. Et puis il ne faut pas oublier que la Cité pilote également beaucoup d'animations "hors les murs" : nous proposons beaucoup d'activités sur le Lunévillois, sur les Espaces Naturels Sensibles du département.
Qu’est-ce qui vous anime ? Qu’est-ce qui vous plait le plus dans votre activité ?
J'aime l'alternance, dans tous les sens du terme. Nos métiers sont riches de rencontres : que je sois avec des maternelles ou des chefs d'entreprise, j'apprends autant. J'essaye de susciter l'émerveillement et la curiosité pour les autres vivants qui nous entourent. Le cadre change tous les jours, au fur et à mesure des saisons et nous arpentons des sites magnifiques jusqu'aux cours d'école hyper bétonnées mais où nous arrivons quand même à chercher les fourmis, mousses, tourterelles, lézards qui arrivent à "survivre" dans ce que nous leur laissons comme place et comme liberté...
Les tâches changent tous les jours : des chantiers parfois physiques et sous la pluie à la rédaction de projets ou de bilans "au chaud" au bureau, tout me plaît du moment qu'il y a alternance. J'aime savoir de quoi je parle donc le terrain est essentiel : pour parler de bestioles, il faut les fréquenter. Pour avoir envie de les protéger, il faut avoir une empathie et donc les connaître, parfois presque intimement. J'aime l'idée d'agir à plusieurs échelons : travailler d'un côté avec les habitants, les techniciens, les élus, les collectivités, les entreprises... Nous sommes tous des habitants du même espace, il est intéressant d'ouvrir la discussion sur la manière de le gérer et de rappeler parfois qu'il y a des habitants "non humains" à qui il faut laisser un peu de place.
Après, l'enjeu est de taille et nos métiers sont très durs. Physiquement, par le contact permanent au dehors, par tout temps, mais aussi, surtout psychologiquement. Il est parfois difficile de garder le moral quand on est en première ligne : d'un côté on constate les problèmes environnementaux sur le terrain (la chute de la biodiversité est vertigineuse et catastrophique), on lit et on se renseigne énormément sur le sujet pour avoir du factuel et de l'autre on a parfois encore à faire à des climatosceptiques ou des projets complètement incohérents ou le vivant n'est pas assez pris en compte. On aurait toujours envie de faire plus et mieux !
Quels sont vos projets futurs ?
Il y a plein de beaux projets en cours, y compris avec la Cité des paysages, la nouvelle scénographie devrait permettre de nouvelles thématiques d'animation, nous avons aussi de belles choses en cours avec la Métropole du Grand Nancy avec laquelle nous travaillons sur un livret de découverte du plateau de Malzéville ou encore un sentier pédagogique pour Essey les Nancy.
Et puis il y a plein de secteurs où nous allons continuer de développer : l'axe de la formation est pour moi un levier réel. Les animateurs par exemple, pour démultiplier nos actions. Mais il faut aller plus loin, puisque tout le monde est concerné, il faut aller former dans d'autres branches : le secteur de la santé par exemple en sensibilisant aux bienfaits des activités en pleine nature, les travailleurs sociaux, les industriels en réfléchissant avec eux à des process moins polluants ou impactants et en les formant à la connaissance des espèces qu'ils impactent... il y aurait tant à faire ! Et puis il faut des projets croisés, j'en suis persuadé. Rester entre naturalistes ou environnementalistes ne mènera pas à grand chose sinon à se morfondre ensemble... je crois à la puissance de la transversalité des approches. Notre festival en est un bon exemple, je crois. Il y a à la fois une place pour de la connaissance "dure" : des conférences naturalistes, des stands d'information, mais aussi une place à la création artistiques, au culturel (spectacles vivants, contes, mais aussi des débats philosophiques...), et on pourrait aller encore plus loin, créer des passerelles avec d'autres secteurs et proposer des choses drôles, originales, des formats non explorés encore.
Une anecdote ? Une histoire originale sur l'Atelier Vert en lien avec la Cité des Paysages ?
Certainement aussi parce que c'est un lieu où j'ai beaucoup animé mais j'y ai fait de belles rencontres avec les publics. Je me souviens de plusieurs moment magiques lors de nocturnes par exemple. Une fois nous avons assisté avec une classe à des parades nuptiales de Loirs : ils couraient sur le mur à quelques mètres de nous en criant l'un sur l'autre, en mimant des combats, en alternant galipettes et saltos... impressionnant. Nous avons pu les observer ainsi pendant un quinzaine de minutes. Les enfants étaient sidérés et restaient totalement immobiles pour pouvoir apprécier le spectacle.
Une autre fois, une Hulotte qu'on avait appelée avec un appeau est venue se poser sur la branche juste devant nous... là encore un grand moment d'émotion. Et puis je pourrais aussi parler des animations qui n'ont pas trouvé leur public... pour faire le lien "alimentation et nature" j'avais proposé un atelier de fabrication d'instruments de musique avec les légumes du jardin... on a bien rigolé avec les animateurs et animatrices présentes avec nos flutes de carotte et nos appeaux en poivrons mais il n'y avait pas grand monde, ça arrive parfois !