TRIBUNE - Refonder notre pacte républicain par les territoires

Alors que nous célébrons cette année les 80 ans de la Sécurité sociale, souvenons-nous de sa promesse fondatrice : garantir à tous les citoyens une protection contre les risques de la vie grâce à la solidarité du collectif et un principe redistributif voulant que chacun contribue selon ses moyens. Cette promesse reste, aujourd’hui encore, une clé de voûte de notre pacte républicain.

La question du financement de notre modèle social ne peut pas se résumer à un exercice comptable : les questions du partage des richesses et de la reproduction des inégalités doivent se poser dans le cadre d’un véritable débat démocratique pour refonder notre contrat social.

Rarement la situation aura été si préoccupante : les Départements et leurs partenaires sont pris en étau entre des besoins sociaux croissants et des moyens qui s’effondrent. Les deux résultent largement d’un modèle économique fondé sur la loi du marché dont la prédation accroît les précarités individuelles et collectives. Cette situation ne pourra se prolonger sans conséquences graves pour les services publics de proximité, c’est-à-dire pour la vie de chacun.

Des territoires mobilisés pour une solidarité une et indivisible

Malgré les difficultés, nous faisons quotidiennement la démonstration que de nouvelles solidarités s’inventent localement, avec les citoyens, les collectivités locales partenaires, les associations ou encore les acteurs de l’économie sociale et solidaire, quand nous déployons des solutions innovantes pour accompagner, à tous les âges de la vie, les personnes qui se trouvent fragilisées. Ce faisant, nous veillons également à valoriser et améliorer les conditions d’exercice des professionnels qui rendent notre action possible. 

Au matin de la vie, nous accompagnons les familles à travers la protection maternelle et infantile comme nous protégeons les enfants qui nous sont confiés. En Gironde, la priorité est à la désinstitutionalisation ainsi qu’à l’accompagnement à la parentalité. L’objectif est d’offrir un cadre propice à leur épanouissement en réduisant les placements, en accord avec l’enfant, la famille et les professionnels. Au collège, nous menons une action résolue, comme en Haute-Garonne et en Loire-Atlantique, afin de favoriser la mixité sociale et rompre avec les effets délétères de la ghettoïsation. À cet âge, l’apprentissage de l’égalité est un enjeu fondamental : nous agissons pour éduquer à la vie affective et relationnelle, à la sexualité, au vivre ensemble… 

En Meurthe-et-Moselle, l’accompagnement des enfants confiés peut se prolonger jusqu’à 25 ans selon leurs besoins pour favoriser l’autonomie et l’émancipation. Un « revenu jeunes » est également expérimenté, de même qu’en Loire-Atlantique pour les jeunes qui ont peu ou pas de ressources et de soutien familial. L’accompagnement vers l’emploi est également une priorité dans la Nièvre à travers des parcours individualisés et l’expérimentation « Territoire Zéro Chômeur de longue durée », ou encore dans l’Aude avec le cumul du revenu de solidarité active et des revenus d’activité dans les secteurs de recrutement en tension. En Seine-Saint-Denis, les moyens dédiés à l’insertion ont plus que doublé pour proposer un accompagnement plus humain et plus adapté aux parcours de vie des personnes éloignées de l’emploi. 

Au soir de la vie, nous accompagnons les personnes âgées pour prévenir la perte d’autonomie et agir quand elle survient. En Dordogne, c’est un plan d’action dédié aux professionnels de l’aide à domicile qui permet de les soutenir dans leur quotidien en prenant en considération les spécificités d’un département rural. Dans les Landes, une offre innovante d’habitat inclusif est proposée pour des adultes avec des troubles du spectre de l’autisme.

Des solidarités réinventées

Ces quelques exemples sont la démonstration vivante que nos territoires sont des laboratoires d’innovation. Ils esquissent ce que pourrait être une refondation de notre modèle social, fondée sur la justice mais aussi la proximité, la sensibilité et la participation citoyenne.  

Leurs initiatives dessinent un horizon fédérateur et apportent une réponse au besoin de renouer les liens sociaux. Dans la suite des grandes lois de décentralisation, il est temps de reconnaître leur rôle dans notre cohésion nationale. Loin de l’incapacité de l’État à se réinventer, nos territoires démontrent que notre modèle social, fruit d’une conquête de longue haleine et objet légitime de notre fierté collective, a de l’avenir.

Signataires :

  • Chaynesse Khirouni, Présidente du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle & Présidente de Solutions solidaires
  • Fabien Bazin, Président du Conseil départemental de la Nièvre
  • Sophie Borderie, Présidente du Conseil départemental du Lot-et-Garonne
  • Xavier Fortinon, Président du Conseil départemental des Landes
  • Jean-Luc Gleyze, Président du Conseil départemental de la Gironde & Président du Groupe des départements de gauche de Départements de France
  • Germinal Peiro, Président du Conseil Départemental de la Dordogne
  • Hélène Sandragné, Présidente du Conseil départemental de l’Aude
  • Stéphane Troussel, Président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis
  • Sébastien Vincini, Président du Conseil départemental de la Haute-Garonne
  • Michel Weill, Président du Conseil départemental du Tarn-et-Garonne

➡️ Tribune publiée dans la Gazette des communes - 12/05/25

Crédit photo : Robert Kneschke - AdobeStock