Le Conseil départemental fait de l’accès aux droits un objectif majeur de son projet départemental 2022-2028 et de la lutte contre la pauvreté. Depuis 2023, il porte l’expérimentation Territoire zéro non-recours (TZNR) renommé en Meurthe-et-Moselle « Avec-vous, pour vos droits ». Lancé officiellement en septembre 2023 pour une durée de trois ans, le projet initié par le Département sur le Grand Nancy avec la Métropole et ATD Quart Monde et de nombreux partenaires (Etat, Caisse d’allocations familiales, villes concernées et leurs centres communaux d’action sociale, etc) se déploie. Pays Haut, Fouard-Faulx et Sud du Lunévillois : trois nouveaux territoires d’expérimentation vont entrer en action dès cet été 2025.
Cette expérimentation a été lancée sur un premier territoire en septembre 2023 : Malzéville, Saint-Max, Essey-Lès-Nancy, Maxéville et une partie de Nancy (Iris Saint Michel Jéricho, Iris Virginie Mauvais Crosne Vayringe et Iris XXème corps, Oberlin, Mac Mahon). Le territoire d'expérimentation est situé sur les communes de Nancy, Essey-lès-Nancy, Malzéville, Maxéville et Saint-Max. ) et les nombreux opérateurs concernés (CAF, CPAM, CARSAT, MMH, Batigère notamment). Plus de 50 professionnels sont engagés dans cette démarche. Ce territoire compte près de 40 000 habitants et environ 3 000 allocataires du RSA.
A l’origine de la démarche, la Présidente du Département, Chaynesse Khirouni, explique ce qui a motivé le lancement de ce projet : « Derrière les chiffres du non-recours, il y a l’humain ! Des chemins de vie souvent difficiles. Des femmes et des hommes qui ont besoin d’être accompagnés, des jeunes qui sont parfois perdus, des séniors qui ne se sentent plus considérés. Il y a aussi la crainte d’être stigmatisés alors qu’on ne s’en sort pas. »
Sur les neuf premiers mois, des actions dites « d’aller-vers » ont été menées, à raison de deux demi-journées par semaine sur les marchés, au pied des immeubles et au sein des associations par des équipes de professionnels et de bénévoles. Elles ont permis de rencontrer plus de 500 personnes, notamment des personnes éloignées des institutions. Ces premières prises de contact ont débouché sur des « rendez-vous des droits » permettant d’aborder avec les habitants concernés une grande diversité de droits sociaux. Le Conseil départemental, pilote du projet, a décidé d’étendre l’expérimentation par un appel à candidature lancé fin 2024.
Trois nouveaux territoires ont été retenus et se sont présentés à l’assemblée départementale mercredi 26 février 2025. « Nous construisons avec conviction une nouvelle façon de faire ensemble et de faire autrement au service des Meurthe-et-Mosellans et Meurthe-et-Mosellanes » a précisé la Vice-Présidente, Annie Silvestri. Objectif à terme : étendre la démarche à l’ensemble du département de Meurthe-et-Moselle. « La famille des droits s’agrandit » a salué Chaynesse Khirouni, présidente, lors de la séance publique durant laquelle chaque collectif est venu présenter son projet et ses spécificités territoriales. La délibération du 26 février 2025 a été adoptée à l'unanimité par l'assemblée départementale.
Zoom sur les 3 nouvelles expérimentations
Territoires de Briey et de Longwy
Ces deux territoires partagent des liens historiques et des défis similaires, notamment en termes d’accès aux droits et de problématiques sociales. Il "assistent" depuis plusieurs années au départ de nombreuses institutions. Ils partagent le constat du vieillissement de leurs populations et sont confrontés à un fort taux de chômage. Les habitants ont des difficultés d’accès aux soins : le taux de couverture médicale du territoire de Briey est le deuxième plus faible du département après celui de Longwy. Sur les deux territoires, les habitants connaissent des difficultés de mobilité. Les taux de scolarisation et de diplômés sont moins élevés que sur le reste du département en raison notamment de l’éloignement des centres universitaires. Enfin, le territoire de Longwy connaît des difficultés en lien avec sa situation transfrontalière : complexité des situations au regard de l’accès aux droits, difficultés d’accès au logement, turnover important de population, difficulté d’accès à la langue française…
L’expérimentation sera portée par un collectif composé des communes de Longwy, Mont-Saint-Martin et Herserange, la Croix-Rouge et le centre social Blanche Haye et par les communes de Joeuf et Jarny ainsi que le territoire pluri-communal d’intervention du CCAS de Jarny qui comprend les communes rurales de Labry et de Conflans-en-Jarnisy, le PIMMS médiation du Pays de L’Orne et le Secours Catholique.
Territoire du Lunévillois : Communauté de communes de Vezouze-en-Piémont
Le projet sera porté par un consortium d’acteurs locaux : la Communauté de Communes de Vezouze en Piémont, les deux associations familles rurales Les Trois Rivières et La Petite Lorraine et l’association Solidarité Blâmontoise. L'expérimentation regroupe 11 576 habitants répartis sur 51 communes, dont trois bourgs principaux : Badonviller, Blâmont et Cirey-sur-Vezouze.
Sur ce territoire, l’accès aux droits est un enjeu majeur : vieillissement important de la population, forte précarité économique, difficultés d'accès aux soins et au numérique, taux de pauvreté de 17,2 %. L'objectif sera de développer des actions de proximité, aller à la rencontre des habitants afin de repérer et aider les personnes non identifiées par les services existants. L'expérimentation débutera dans un centre bourg, puis sera étendue aux communes rurales. Le déploiement des actions commencera dès l'été 2025.
Val de Lorraine : Communes de Frouard et Faulx
L’expérimentation se déroulera sur les communes de Frouard qui accueille 6 563 habitants et comprend un Quartier Prioritaire de la Politique de la Ville (QPV) et la commune rurale de Faulx de 1 374 habitants.
L’expérimentation sera portée par un collectif d’acteurs comprenant la commune de Frouard, la commune de Faulx et l’espace de vie sociale « Maison Prévert » située à Frouard et porté par l’association départementale des Francas de Meurthe-et-Moselle. Elle mobilisera de nombreux acteurs locaux : à Frouard, la mairie, le CCAS ainsi que les permanences France Services seront impliqués. L’espace de vie sociale Maison Prévert, mobilisera son adulte-relai dans le cadre des aller-vers au sein du QPV et accompagnera l’expérimentation dans son aspect de démocratie participative. La commune de Faulx mobilisera son CCAS. Le calendrier prévoit une mise en œuvre des actions dès l’été 2025.
Un colloque national
Le Département de Meurthe-et-Moselle, la Défenseure des droits, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, ATD Quart monde, le Haut conseil du travail social et l’Union nationale des Centres communaux d’action sociale ont organisé en décembre 2024 un colloque national sur l’accès aux droits à l’Hôtel du Département, à Nancy.
Pourquoi les personnes éligibles aux aides sociales n'en bénéficient-elles pas ? Comment les habitants auront accès aux droits demain ? Selon quelles modalités ? Quelles réponses des collectivités, des institutions et des associations ?
Face à une précarité et une grande pauvreté qui persistent, il s’agit de conforter le fait que l’accès aux droits est une « œuvre collective » qui ne doit pas être cantonnée aux seuls droits sociaux. Elle nécessite en effet une approche élargie pour embrasser l’entièreté des champs de l’accès aux droits : logement, culture, loisirs, sport,
éducation, santé, etc. A l'issue des débats, une déclaration commune a été rédigée par les co-organisateurs.
Témoignages
Depuis le 24 janvier 2024, une équipe de 9 professionnels du Conseil départemental, du CCAS de Malzéville, du Centre Social, du Syndicat intercommunal à vocation unique de Saint-Max - Essey-lès-Nancy et de 8 habitants vont à la rencontre des habitants tous les mercredis matin sur le marché Place à Vivres devant le Centre Social. « On dit aux gens, ne vous résignez pas, il y a des choses qui existent, vous ne volez rien, des gens sont là pour vous aider dans vos démarches », témoigne une habitante touchée par l’accueil réservé.
Depuis le 4 juin, cette équipe d’aller-vers est également présente tous les vendredis de 16h à 18h devant les halls d’immeubles du quartier. Des rencontres riches d’échanges : « Nous sommes la porte d’entrée, un premier contact. On parle de tout et de rien, puis on explique la démarche, on aborde les difficultés », explique un bénévole. Le travail avec les partenaires aussi a permis d’évoluer. « Avant, nos relations s’arrêtaient à se croiser dans des réunions. Aujourd’hui, on agit ensemble, on partage nos informations sur différents dispositifs qui peuvent aider les personnes. Avec vous pour vos droits a vraiment fait avancer les choses », précise une assistante sociale.